Les réponses des candidats à l’élection présidentielle à la pétition lancée par Alternatives Economiques sur la progressivité de l’impôt opposent nettement la droite et la gauche.
Voici un résumé des différentes positions par Philippe Frémeaux
Près de 40 000 personnes auront finalement signé la pétition contre la démagogie fiscale lancée par Alternatives Economiques le 6 février dernier, avec le soutien du quotidien Libération. Nous avons transmis cette interpellation aux différents candidats en leur demandant de préciser leur position en matière de progressivité de l’impôt.
On s’en doutait un peu, la fiscalité demeure un des thèmes qui oppose le plus nettement gauche et droite. Les candidats de gauche, dans leur ensemble, réaffirment leur attachement à la progressivité de l’impôt et estiment qu’il est nécessaire aujourd’hui de la renforcer, suite aux réformes introduites par les derniers gouvernements. La défense de la progressivité est justifiée par l’idée que chacun doit contribuer au financement des dépenses publiques en fonction de ses moyens. Mais on sent aussi, chez les candidats qui se veulent les plus à gauche, une volonté d’utiliser le système fiscal pour corriger fortement la distribution primaire des revenus et des patrimoines jugée illégitime. Arlette Laguiller comme Oliver Besancenot veulent diminuer radicalement la TVA, voire la supprimer chez le second, au profit d’une imposition progressive de l’ensemble des revenus, intégrant la contribution sociale généralisée (CSG). José Bové comme Marie-George Buffet proposent d’élever le taux marginal de l’impôt sur le revenu pour le ramener à 55 %, cette dernière n’hésitant pas à défendre un triplement du taux de l’impôt sur la fortune (ISF) pour les patrimoines élevés à 5,4 %, un niveau supérieur au rendement des obligations d’Etat.
Quant à Dominique Voynet, qui a compté parmi les premiers signataires de notre appel, elle met en avant non seulement sa volonté de rendre l’impôt plus progressif, mais aussi d’utiliser l’instrument fiscal pour inciter les agents économiques, ménages et entreprises, à adopter des comportements plus responsables sur le plan écologique.
Ségolène Royal dénonce également la faible progressivité de notre fiscalité et note au passage l’injustice des impôts locaux, qui pèsent lourdement sur les bas revenus. Elle annonce qu’elle mettra fin au bouclier fiscal, terme qu’elle récuse parce qu’il « laisse à penser qu’il faudrait se “protéger” de l’impôt ». Elle promet, enfin, de mettre de l’ordre dans les « niches fiscales », tous ces dispositifs permettant aux plus aisés de réduire fortement leur niveau d’imposition.
En termes de niveau des prélèvements, les candidats de gauche sont, là encore, globalement d’accord pour maintenir un niveau élevé de prélèvements au nom du nécessaire financement des biens publics indispensables à la bonne marche et au progrès de la société. Marie-George Buffet reprend les termes de l’appel et note qu’il reconnaît « à juste raison, le besoin d’un niveau élevé de dépenses publiques. Ces dépenses ne sont pas seulement un coût, elles sont aussi un investissement, gage à la fois de justice et de dynamisme ».
Même son de cloche chez Ségolène Royal : « La dépense publique, financée par l’impôt, ce sont des services publics, des investissements pour l’avenir, dont chacun profite. » Pour autant, la candidate considère qu’élever les prélèvements n’est pas une fin en soi et rappelle que nul n’aime payer des impôts. Elle annonce donc clairement sa volonté de stabiliser les prélèvements, sans les réduire – dette publique oblige – et propose surtout de les répartir autrement. Elle rappelle au passage l’exigence d’efficacité de la dépense publique face à une opinion qui estime que l’argent public est souvent gâché : « Il est légitime d’être très exigeant vis-à-vis de l’argent public et d’œuvrer à une dépense plus efficace (…). » Et de préciser : « L’ordre juste, c’est un équilibre entre une fiscalité progressive et une dépense plus efficace. »
La position de François Bayrou n’est pas si différente. Il défend également la progressivité de l’impôt, récuse la notion de bouclier et rapelle la nécessité de taxer le patrimoine. Très soucieux de réduire les dettes et le déficit, il insiste sur la nécessité de répartir équitablement l’effort et propose à cette fin de plafonner les niches fiscales. Il assume sa volonté de réformer l’ISF, en le transformant en un impôt à taux faible appliqué à une assiette élargie.
Nicolas Sarkozy, en revanche, insiste surtout sur la nécessité d’accroître l’efficacité de la dépense. Il observe que le haut niveau de prélèvement français n'a pas toujours pour corollaire une meilleure qualité des services offerts aux usagers. Non sans raison. Mais son insistance sur ce point lui permet aussi de promettre d’importantes baisses d’impôts sans avoir à expliquer dans quelles dépenses il sera conduit à couper.
Le candidat de l’UMP a surtout choisi de ne pas répondre à notre question qui portait sur la progressivité de l’impôt. Aucune allusion, dans sa réponse, à sa promesse de réduire à 50 % du revenu le fameux « bouclier fiscal » dont l'effet serait de supprimer l'ISF pour les plus hauts revenus. Il déplace le débat en développant un syllogisme astucieux : l’impôt en France pèse d’abord sur les plus modestes, je vais réduire fortement les prélèvements, ça ne peut donc que profiter aux plus modestes… De fait, les prélèvements proportionnels (TVA, CSG, taxe d’habitation, taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP)…) représentent les deux tiers des prélèvements et pèsent lourdement sur les ménages les plus modestes, comme l’observe avec raison Nicolas Sarkozy. En réduisant les prélèvements de 4,4 points du produit intérieur brut (PIB) en cinq ans, il s’engage ainsi à « rendre » l’équivalent de « 2 500 euros par famille ». Le candidat de l’UMP parvient ainsi à tirer argument de la faible progressivité de l’impôt en France pour défendre son programme de baisses d'impôts.
L’argument porterait mieux si les baisses d’impôts décidées par les gouvernements auxquels il a participé n’avaient pas, au contraire, profité aux plus aisés. Et s’il expliquait clairement comment il compte réduire les prélèvements obligatoires de plus de quatre points sans tailler dans les dépenses sociales ou réduire le champ – ou la qualité – des biens publics aujourd’hui accessibles gratuitement aux plus modestes. L'augmentation du forfait laissé à la charge des assurés sociaux en fournit un premier aperçu, ce qui ne peut que creuser les inégalités d'accès aux soins.
Enfin, Jean-Marie Le Pen, qui ne craint personne sur le plan de la radicalité, n’élude pas les questions qui lui sont posées. Il affirme sa volonté de réduire le taux marginal de l’ensemble des impôts sur le revenu, sur les bénéfices des sociétés et sur les successions à 20 %. Il annonce en compensation qu’il profitera du départ des baby-boomers à la retraite pour supprimer 250 000 emplois de fonctionnaires en cinq ans. Mais qui va enseigner à nos enfants ?
Philippe FrémeauxSource:
http://www.alternatives-economiques.fr/site/257_petition2.html
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